Sois une gentille femme enceinte et tais-toi

lundi 9 octobre 2017


Qui ne s'est jamais surpris à laisser traîner son regard sur le ventre rond d'une femme enceinte, et à sentir aussitôt se retrousser les coins de sa bouche de la plus bienveillante des manières ? Mais si la grossesse semble attiser la bonté, elle est un curieux phénomène, développant en vérité la face schizophrène des gens que croise la femme enceinte (si, si). 
Des sourires, des regards doux, certes vous en aurez à foison durant votre grossesse. Mais attention, si la société aime ses femmes enceintes, certains des petits privilèges qui pourraient leur être accordés sont pourtant à reconsidérer...

Vous êtes devenue un ventre. Avec des jambes et des bras.  
Vos amies ne vous demandent plus que des nouvelles à travers l'aventure de la grossesse. Ce qui est en fait une gentillesse de leur part devient pour vous une manière d'être attachée à un unique sujet de conversation. Mais ne leur en tenons pas rigueur, après tout, vous faites bien la même chose lorsque leur tour arrive ! 
Les inconnus que vous croisez s'adressent à vous de façon joviale, chantante. C'est amusant. Seulement, quand je dis à vous, je devrais plutôt dire... à votre ventre, quelques centimètres plus bas que votre tête. Avec un peu de chance, ils vous adresseront finalement un bref regard dans les yeux, comme à une personne normale. Enfin, sauf si vous avez amené avec vous votre premier enfant. 
Il peut également arriver que vous disparaissiez totalement derrière votre ventre, à tel point qu'une émission TV puisse diffuser une de vos photos privées, en maillot et enceinte de quelques mois, sans votre consentement. J'en parle car c'est ce qui m'est arrivé il y a peu. La rédaction s'en est excusée après coup, mais la bêtise était faite. 
A l'école de ma fille j'observe ce phénomène également, les institutrices me font ressentir à quel point je suis masquée par ce ventre qui ne cesse de grossir au fur et à mesure que mon petit trésor grandit. Cela va des attentions délicates - me proposer un fauteuil plus confortable lors de la réunion de rentrée - aux remarques vexantes - comme la réticence à m'accorder le rôle de maman accompagnatrice "du fait de ma grossesse". 
J'en rigole bien sûr, car c'est une phase éphémère et typique de la grossesse, auquel presque personne ne peut déroger. Un moindre mal. 

Vous n'êtes pas protégée contre le harcèlement de rue. 
Être enceinte me semblait le meilleur moyen d'avorter dans l'oeuf toute tentative de drague inopinée (et sans le moindre effort), que nenni ! Pas plus tard que ce week-end, il m'est arrivé une mésaventure que je ne risque pas d'oublier. Alors que je me dirigeai vers les toilettes d'un café pour y amener ma fille, je passai devant une bande de presque dix hommes, attablée. Des sifflements écoeurants retentirent. Et furent stoppés aussi net par mon regard noir et la main que je tendais à ma fille de seulement trois ans et demi, cachée derrière ma silhouette. Mon ventre avait-il été dissimulé trois secondes de trop par ma veste ? Finalement peu importe, non ? Une toute petite fille était présente pendant leur assaut de cris de mâles minables, et là encore je dirais : peu importe, non ? AUCUNE femme - enceinte ou pas, maman ou pas, en couple ou pas - n'a à subir ce type d'agression ordinaire. 
Si j'ai un conseil à vous donner, et dans la mesure du possible bien entendu, ne les laissez jamais s'en tirer sans les remettre à leur place. Même furtivement. On m'a trop souvent dit que l'indifférence était la meilleure des réponses. Lorsque la situation le permet, remettez ces lâches (c'est ce qu'ils sont) à leur place, comme le ferait leur propre mère. La majorité d'entre-eux sera même en état de décomposition en voyant que vous leur adressez la parole avec fermeté. J'ai moi-même pu dire deux mots à ces huit grands garçons irrespectueux, qui ont osé répondre le pire "mais qu'est-ce qu'on a fait" (...) preuve de leur ignorance totale face aux conséquences de leur acte. 

Vous faites la queue comme tout le monde. (voir pire)
Depuis quasiment deux mois, on peut dire qu'il est visuellement impossible de passer à côté du fait que je sois enceinte. Pour autant, je n'ai encore JAMAIS constaté le moindre signe de civilité en rapport à ma "condition" - qu'on aime pourtant me rappeler hein - de femme enceinte. Je dirais même, et sans méchanceté aucune, que les personnes âgées sont les plus frileuses à accorder le moindre avantage à une femme attendant un enfant : un jour, à huit mois de grossesse (pour ma fille) et alors que je déposais déjà mes courses sur le tapis, un couple de fringuants septuagénaires m'est passé devant sans vergogne à une caisse prioritaire. Pas un regard, rien. Presque une bousculade. Ils ont brandi fièrement la carte de handicap de mémé (pourtant restée à la maison...) afin de justifier leur acte devant l'hôtesse de caisse. J'ai eu beau protester afin de les confronter à leur ridicule total (NB : je les aurais sûrement laissé passer s'ils avaient demandé), aucune réaction de l'hôtesse ni des autres personnes dans la queue. 
Autant vous dire que je n'ai plus jamais espéré sur la civilité naturelle des gens, et qu'il ne me vient même plus à l'esprit de faire la queue à une caisse prioritaire. Même au bord du malaise vagal. 

Ces petits désagréments additionnels qui entourent la magnifique aventure qu'est la grossesse ne sont finalement q'un menu détail. Cependant, je conseillerais à tout le monde de ne pas adresser de sourire tendre à une femme enceinte - ou à son ventre... rires - si vous n'êtes pas prêt à la respecter en tant que personne à part entière.  
Si les caisses prioritaires possèdent un petit sigle les représentant, ce n'est pas pour rien : mal de dos, souffle court, malaise éventuel en station debout et statique, tension... les futures mamans ont besoin de ces quelques minutes gagnées, ne l'ignorez pas :) (et laissez sa carte handicapée à mémé au lieu de vous en servir comme laisser-passer, non mais). 

1 commentaire:

  1. Hello ! N'étant pas encore tombée enceinte, j'ai encore peu de recul sur ce que la société peut nous renvoyer. C'est un article très intéressant ! J'ai seulement une amie qui attend son 1er bout de chou mais on préfère parler boulot, c'est marrant ! Bonne fin de grossesse !
    https://la-parenthese-psy.com/

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