Le chat de vingt ans et vingt jours

vendredi 30 septembre 2016


"Non maman, je veux le gris..."

Léo.
Son regard de chaton minuscule a croisé celui de la petite fille que j'étais à l'automne 1996, tandis que je tenais son frère dans les bras. Coup de foudre. Quelques jours plus tard, il intégrait notre famille pour ne plus jamais la quitter... plus jamais. 

Léo est de ces chats qui honorent fièrement la croyance selon laquelle les félins auraient plusieurs vies (neuf, pour être exacte). Je ne saurais vous dire combien d'entre-elles il a utilisé, mais j'aime à penser qu'il ne lui en restait plus aucune en réserve et que le temps du soulagement était grandement bienvenue pour lui. Parmi quelques uns de ses exploits : 
- glisser du quatrième étage à cause d'un cendrier en verre sur un rebord de fenêtre (le vétérinaire ne donnait pas cher de sa peau, mais cet évènement date d'il y a déjà plus de 10 ans !)
- se perdre pendant près d'un mois dans un golf du Bassin d'Arcachon après notre emménagement depuis Paris... mais revenir fringant un beau matin
- se faire rouler dessus par une voiture et se retrouver la mâchoire fendue en deux (le vétérinaire a réussi à la lui fixer avec un "clou" qu'il dû garder quelques temps également)
- etc... :) 
Léo était un guerrier. 
Parfois, il me ferait presque penser à cette comptine pour enfant "Mais... le matou revient, le jour suivant !" sauf qu'il est question de se débarrasser d'un chat, et que nous concernant, on l'aurait bien gardé éternellement notre Léo. 

*

Il y a certains épisodes de notre vie qui nous poussent vers cette nécessité de croire en la possible réincarnation des âmes. De se rassurer et de se dire que cette petite vie fragile qui, il y a encore quelques secondes, s'exposait sous forme de ronronnements et de coups de tête câlins ne peut avoir disparu totalement. Passer de la vie au noir total. De la chaleur au froid. Du moelleux au rigide. Comment croire en la mort ?
Ayant disposé son petit corps dans le cercueil que nous lui avions tous préparé, je suis bien consciente que ce n'est pas mon chat qui repose dans cette boîte. Je ne peux m'empêcher de l'imaginer déjà ailleurs. Je suis totalement athée, mais comme je suis heureuse d'y avoir glissé - au milieu des mots d'amour et photos de sa famille - le jumeau de ce Bouddha. 

Ainsi, je me dis que notre amour est tout simplement en train de faire un beau voyage... et s'il revient un jour sous une autre forme, j'espère de tout coeur qu'il pensera à venir nous faire un coucou. En attendant, Léo est notre étoile. 


Le laisser partir. 

J'avais beau être parfaitement consciente - depuis un peu moins de cinq ans - que mes parents pouvaient m'appeler à tout moment et m'indiquer que notre gros matou s'en était allé... lorsque je reçu l'appel de ma mère la veille du Jour-J, inutile de décrire la puissante tristesse qui me traversa. Sans le dire clairement, il était évident qu'elle me demandait "l'autorisation" pour valider le rendez-vous à la clinique... Léo était bien plus devenu leur chat que le miens, mais il était notre chat-totem, celui qui nous avait accompagné à travers les déménagements, les vacances, les séparations, les retrouvailles... Il était - et sera toujours - notre famille. Un petit morceau de chacun de nous quatre. Mon père qu'il ne quittait plus pour les câlins, ma mère qui s'en est occupé jusqu'au bout, ma petite soeur qui est quasiment née avec lui et moi sa maîtresse officielle, celle qui l'avait choisi parmi ses autres frères et soeurs au fond de ce petit carton. 

Croyez-moi, l'euthanasie était un acte d'amour profond à ce stade : la santé de Léo s'était fatalement dégradé ces derniers jours, et son corps était totalement décharné. On se demande toujours QUAND arrive le bon moment pour mettre fin à la vie d'un animal... On doute, on espère, on attend. Mais heureusement, nous n'avons pas attendu plus longtemps. Il était vivant certes, mais à bout de force. Je vous épargne les détails de sa dernière journée de vie et les différentes réactions que nous avons tous eu face à cette épreuve. Sachez seulement qu'il est parti profondément entouré d'amour. 
Toute la famille était d'accord : nous devions l'emmener uniquement mon père et moi (ma mère avait déjà énormément donné niveau "soins palliatifs" et était vidée d'énergie avec une récente infection) quant à ma petite soeur, nous l'avions convaincu de ne pas délaisser son après-midi de cours sur Bordeaux et de se concentrer sur son chaton nouvellement arrivé. 


Avant de partir à la clinique, ma soeur m'a supplié de lui chanter "Your song" reprise par Billy Paul le moment venu, afin que notre Léo emprunte un chemin heureux et paisible pour son départ. Une chanson symbolique pour nous. J'ai bien tenté. Je pensais réussir à sourire pour lui jusqu'au bout.. mais le torrent de larmes retenu de toutes mes forces depuis des heures, ainsi que ce besoin irrépressible d'enfouir mon visage une dernière fois contre son petit flanc qui se soulevait à un rythme de plus en plus lent me fit capituler. Je mis la chanson sur mon iPhone, tout bas, et le couvris de baisers avec mon père, entre deux sanglots étouffés. 


°oO Bill Withers - Lean On Me clic Oo° 

Je suis incapable de mieux construire ou relire cet article, sinon je vais à nouveau épuiser une boîte entière de mouchoirs... alors je vais le laisser tel quel. J'avais besoin d'écrire quelque chose pour Léo. Pour toi mon bébé chat, qui restera toujours cette extraordinaire petite boule de poils qui venait frotter ton museau contre mon nez alors que je prenais un bain à six ans... celui qui prenait également toute la place dans mon lit d'enfant, celui avec qui je pouvais m'amuser pendant une heure seulement avec une brindille du jardin, celui qui pensait me faire plaisir en me ramenant tous ses trophées de chasse, celui qui fut réellement mon premier bébé, celui qui ne disparaîtra jamais. Tu vis en nous Léo, en chacun de nous quatre, et je t'aime tant mon chat. 




2 commentaires:

  1. J'ai perdu mon chien il y a quelques années, il avait presque 13 ans... j'étais déchirée... alors je peux comprendre ton mal et tes émotions dans un cas comme celui-ci, je pense bien fort à toi!!! Grosses bises Florence

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    1. Florence tu es véritablement un ange... J'ai presque honte d'être triste à ce point face à ce qu'il t'est arrivé l'année dernière, et pourtant tu es présente. Tu es là à me réconforter par tes petits mots ici, là. Merci de tout coeur. Tu es bien placée pour savoir à quel point cela soulage.
      Je t'embrasse

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