Combler son absence

| Orage et bougies |

L'amoureux était déjà parti. Heureusement je n'étais pas seule, et sans même me douter à quel point je me féliciterai par la suite pour cette idée brillante ; j'avais quelques jours auparavant invité mes parents à dormir chez moi vendredi (ils habitent sur le Bassin d'Arcachon). Il se trouve que ma mère prenait un covoiturage au départ de Bordeaux le samedi matin, pour filer en Bretagne retrouver sa soeur et sa mère. L'idée était de lui raccourcir le trajet du matin, et surtout de lui éviter tout stress inutile avant un départ qui n'allais pas s'avérer sans émotions. 
J'étais heureuse de les recevoir ne serait-ce qu'une courte soirée et nuit. Même si je tente de le cacher, je sais que je ne suis pas un animal aimant la solitude et quoi de mieux pour se sentir entouré que sa propre famille après tout ? 
La chaleur nous assommais dans mon appartement, malgré la verdure environnante. Il était presque minuit et après une ultime promenade avec les deux asticots (hum, oui les "chiens" si on peut dire), on commençait seulement à distinguer une fine brise se faufiler par les fenêtres laissées ouvertes. Le ciel s'éclairait de temps en temps par un éclair, au loin. Sans danger. Sans bruit. En quelques minutes tout a basculé. Je retrouvais mon père comme un petit enfant, assis sur mon balcon, les yeux émerveillés par tant de bruit, de vent, de pluie, et de lumière. L'orage était bien là. J'ai allumé une bonne quinzaine de bougies, et les laissa ainsi... comme deux enfants dans la nuit, heureux de cette soudaine fraîcheur et de cette animation nocturne qui les détournait de leur sommeil. 
Ce n'est que le lendemain matin que j'ai mesuré l'ampleur des dégâts, alors que chez nous l'électricité était revenue en pleine nuit : "tiens, même aux infos ils parlent de Bordeaux. Bon, comme toujours ils parlent de Paris, MAIS tout de même, Bordeaux aussi...". Je bois mon chocolat, tente de garder un oeil mal réveillé ouvert, et regarde les images. La gare Saint-Jean inondée, 50cm d'eau dans le parking sous-terrain du grand théâtre, tramways coupés, arbres tombés, parcs fermés jusqu'à début août,... Le portable de mon père sonne, sa maman habite Paris, a regardé les informations et s'inquiète. Il la rassure. Elle lui dit que sa soeur qui habite le Bassin a eu sa voiture et son toit troué par des grêlons de 2cm. Mes parents ont une jolie décapotable (un des seuls petits luxes qu'ils ne se sont jamais accordé d'ailleurs !). Non, vraiment, qu'ils dorment tous chez moi ce soir là était une très bonne chose. 

| Péripéties | 

Cette première journée que je pensais vivre seule sans l'amoureux, j'étais en fait très entourée. Mon père, qui avait laissé sa petite femme s'envoler pour la Bretagne quelques heures plus tôt, est resté avec moi une bonne partie de la matinée. "Les deux abandonnés" j'avais envie de lui dire en riant. Il est reparti sur le Bassin, avec une foule de touristes l'entraînant dans un bouchon de plusieurs kilomètres. 
L'après-midi j'ai eu droit de suivre en direct-live par sms les mésaventures de ma mère tout au long de son trajet. La pauvre avait atterri dans la voiture d'un... comment on dit déjà ? Ah oui, merci ! Un ra-din :-] tout ce qu'elle adore. Le genre à vouloir rentabiliser le trajet au maximum et à surprendre tout le monde déjà serré au maximum dans une Clio 2 un peu dégradée "Bon, il est 13h, on mange dans 2h une fois que nous serons à Nantes pour récupérer la 5ème personne". Mais sans parler du fait que ce cher monsieur avait indéniablement un sérieux problème relationnel avec ce que l'on appelle communément "l'argent", il était également doté d'un sens inné de "l'ambiance". Une pile de CD, mais pas de musique (ça coûte trop cher ça aussi ?). Pas de discussion (économies de salive ? D'eau corporelle ?). Il plante les personnes qu'il transporte en plein parking d'aéroport, sans siège, sans ombre, pour la pause déjeuner. Royal, je pense que ma petite maman se souviendra toujours de ce séjour qui s'est terminé en beauté lorsque la 5ème personne les a rejoint : une femme impolie, dégageant une odeur buccale nauséabonde, qui voulait s'incruster dans la voiture de ma tante où des retrouvailles intimes et pleine d'émotions étaient attendues.

°oO Music here Oo°

 Le soir je n'étais pas en reste non plus. Il s'agissait à présent de secourir ma petite soeur et sa meilleure amie, coincées depuis 4h dans un train Bassin d'Arcachon-Bordeaux à cause des dégâts causés par les orages. Moi qui pensais passer ma soirée toute seule comme une grosse loque, j'étais trop heureuse d'accueillir un peu d'animation. Je me prépare à toute vitesse. J'arrive à 22h pour les trouver dans la gare la plus atroce de la ligne : celle qui se trouve à deux pas de l'usine dégageant une odeur de... bah oui désolée, de merde. En y repensant je me suis dit que j'étais vraiment dans le quatrième mois, car quelques semaines plus tôt ç'aurait relevé de la mission impossible de devoir m'y rendre sans masque. Lorsque je les ai aperçu, j'ai eu le sentiment furtif d'être Wonderwoman dans leurs yeux. Puis c'est le Mcdo qui a attiré tous les regards. Leurs petits estomacs affamés se sont restaurés (et j'ai suivi bien sûr, faible que je suis !). Enfin, je les ai déposé à leur soirée avant de retourner chez moi. La fatigue ne m'a pas laissé le temps de réfléchir, je suis vite tombé.


| Se ressourcer | 

Les orages ayant entraîné de gros soucis de circulation des trains, j'ai donc proposé aux filles de les ramener sur le Bassin cet après-midi. Je prépare également une petite valise pour Belle et moi, car je pense y rester dormir un jour ou deux. Elle aussi sera contente de retrouver Joker, le pinscher de mes parents. Quant à moi je vais pouvoir m'occuper de ma soeur et de mon père qui travaillent encore la semaine. J'espère que nous aurons le temps de passer une petite soirée tous les trois, regarder un film ou bien se promener au bord de l'eau alors que le soleil file se coucher. Les souvenirs vont remonter.